Au-delà des apparences

Lorsque je me promène et que je glane des morceaux de nature, débris de coquillages ou graines inhabituelles, une idée peut souvent me venir à l'esprit, une utilisation immédiate, logique, simple, qui est en général inspirée par la forme des éléments. Et plus la forme de l’élément est simple, plus l’idée vient vite. Les formes géométriques notamment. Plus elles sont sobres, plus elles évoquent pour notre esprit d’autres formes. Une feuille oblongue à la forme symétrique va me faire penser à un oeil, une plume, une bouche, un poisson… Nous fonctionnons tous comme ça, par similarité.

Je pense qu’il faut la saisir, cette première idée, la mettre en œuvre pour concrétiser cette inspiration, matérialiser ce flash. Mais je garde aussi en tête que si l'idée est trop simple, quelqu'un d'autre l'aura eue, peut-être pas tournée de la même manière, mais quand même ! Cependant, cette première idée va m’amener vers d’autres pistes. Parfois avec un effort. Effort de recherche ou de lâcher prise. Elle n’est jamais qu’une étape. Il faut ensuite faire mieux, plus original, plus inattendu !

On peut se trouver victime de l'objet, de sa forme séduisante, en rester prisonnier.

Prenons un exemple : l'oursin.

Un oursin (allégé de ses piquants !) a une forme sensuelle, une rondeur rassurante, qui en plus tient dans le creux de la main, avec ses douces aspérités. La géométrie de la forme est séduisante, captivante. Elle peut se suffire à elle-même et d'ailleurs on retrouve souvent des oursins dans des compositions décoratives (empilés, en guirlandes, associés à une plante suspendue…). Mais c’est aussi un piège, une limitation, un empêchement à le regarder autrement, à se contenter de sa forme géométrique. Car l'oursin ce n'est pas qu'une coquille à la forme élégante. C'est une matière, une structure, une résistance, des détails, tout un ensemble à explorer. C’est le travail du créatif, de l’artiste. Voir autrement, imaginer autre chose, prendre des risques, mais des risques créatifs !

J'ai eu "la chance" de mettre la main sur des restes d'oursinade (repas d'oursins fraîchement péchés, dégustés sur la plage, accompagnés de quelques bouteilles ;-) et donc de récupérer des coquilles ouvertes, cassées. J'ai ainsi pu découvrir la structure intérieure, les couleurs, les détails de texture. Je me suis rendu compte que la forme de la Coquille elle-même est intéressante par sa courbe douce et nerveuse. Mais pour l’apprécier pleinement il faut la découper, observer un tronçon.

Il en va de même pour la mandibule. Cet organe très pratique (pour l’oursin en tout cas !) qui vient se loger sous la coquille, en son centre. En général lorsqu’on ramasse un oursin, elle a disparu pour laisser place à un vide.

La mandibule est constituée d’une imbrication de petits os regroupés dans une sorte de structure arrondie. Très délicat, très blanc. Pour ma part j’y ai vu dans un premier temps une sorte d’évocation de fleur, en porcelaine peut-être.

Cet organe contraste très fortement avec le reste de la coquille, surtout lorsqu’on l’observe débarrassée de ses piquants. La coquille est douce et ronde, colorée. La mandibule anguleuse, blanche et saillante. Elle appartient à un univers esthétique différent, mais j’ai pensé qu’avec un effort de réflexion, j’en tirerai un usage surprenant, plutôt que de la mettre de côté parce que peu inspirante, moins poétique, moins esthétique.

Je n’ai pas encore fait le tour des mises en situation possibles mais chaque idée en amène une nouvelle ! Il faut aller au-delà des apparences, des évidences, de la facilité parfois. Bien sûr ça ne plaira pas à tout le monde, ça ne séduira pas à tout les coups, mais certains y percevront de l’originalité et une intention plus aboutie.

Et rechercher de nouvelles formes, usages, association est la base du travail créatif !

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