Glaner n’est pas glander
Comme beaucoup de gens qui aiment marcher, flâner dans la nature ou simplement rapporter des souvenirs de vacances (pour ne pas dire plus spécifiquement des coquillages ou de petits cailloux !), j’aime ramasser ce qui traîne par terre, sur les bas-côtés : morceau de bois, graine ou caillou, et qui possède à la fois une valeur esthétique (sur le moment du moins) et une valeur sentimentale parfois (un souvenir du moment, du lieu, d’une personne… ou tout ça à la fois). Je ne suis bien sûr pas le seul, loin de là ! Qui n’entrepose pas dans son bureau, sa salle de bain, son salon, un bocal de pierres colorées ou sur le dessus de la cheminée quelques morceaux de bois flotté ? Rien d’extraordinaire et rien de grave à cela (tant que vous n’empilez pas des dizaines de bocaux dans vos escaliers, ou des tas de galets qui pâlissent au fil des ans.)… C’est, je pense, une manière de s’approprier un lieu, de l’emporter un peu avec soi. Même si parfois on oublie un peu ces éléments ramassés dans le feu de la promenade. Le bois s’empoussière, les coquillages ternissent, Les souvenirs d’été s’empilent au fond d’un placard.
Mais collecter c’est avant tout faire durer le moment, s’imprégner d’un instant, ralentir, regarder autour de soi, poser ses yeux sur les éléments qui sortent de l’ordinaire, ou qui au contraire révèlent l’ordinaire. Regarder sous ses pieds, changer de point de vue, redécouvrir. Se rendre compte que telle branche a plus de potentiel que telle autre, tel coquillage davantage de couleurs, de nacre, ou tel caillou des lignes plus inhabituelles, plus élégantes. On s’imagine peignant su rune branche, un cailloux, on fait des projets créatifs… Qui restent souvent des projets !
Ralentir le pas, ralentir le regard, s’imprégner. Se rapprocher encore et découvrir notre entourage à une autre échelle. C’est ainsi que j’ai commencé. Avec du bois et des oursins. Un morceau de bois flotté peut être simplement ceci : du bois. Un élément à assembler, pour élaborer un cadre, une lampe, une pièce parmi d’autres. Mais chaque morceau a aussi sa forme, ses fibres, ses fêlures. Il est différent et peut être utilisé pour ses propres formes.
De l’oursin on connaît la coquille caractéristique, celle qui est bien galbée, avec des reflets roses ou bleus. On la connaît surtout pour l’avoir vue, propre et pimpante, dans des boutiques de déco marine. Surtout. Moi je l’ai vraiment découverte sur une plage de Corse, avec toutes ses épines (Ah oui ? Il y en a quand même pas mal au final…) mais aussi tout son naturel. Redécouvrir l’origine de l’objet, de cet élément décoratif et délicat qui est avant tout un habitat. Voir ses différentes nuances d’épines, ses reflets, le manipuler, avec précaution, mais se rendre compte qu’il est bien bien solide. Et découvrir le dessous. Ah ! Je ne savais pas que c’était fait comme ça ! Effectivement on survole parfois les choses, on voit ce qu’on nous montre, la jolie face, la plus photogénique, ou juste celle qu’on trouve le plus facilement sur Google.
Je ne vais pas faire mon bêcheur, moi aussi j’aime bien la forme de la coquille d’oursin ! Une fois débarrassé des ses piquants, nettoyé, il a fière allure. élégant, rond, léger et poétique, pas étonnant qu’on le trouve réemployé de mille manières ! Il m’a inspiré plus d’une pièce, en entier, par moitié, en tranches même. Mais j’ai aussi pris plaisir à observer la mandibule, délicate fleur de calcaire, fine, symétrique, assemblage de petits os articulés. Une structure fine et déliée, surprenante et inspirante. Une fleur, oui, pas loin. pas loin de la porcelaine non plus. Un régal pour les yeux.
En changeant de point de vue, en regardant de plus près, j’ai découvert un autre aspect de cet animal, une autre manière de le réutiliser, de l’incorporer dans mes créations. Je n’en suis qu’au début, mais je sais que les surprises ne sont pas finies. Notre entourage, qu’il soit urbain ou campagnard, n’a pas fini de nous surprendre, pour mieux nous inspirer, pour peu qu’on en prenne le temps, pour peu qu’on ralentisse le pas.